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La garde Artistique
d'Aurélie Dubois

Aurélie Dubois est une « artiste de garde ». Cette appellation a été définie par l’écrivain et psychanalyste Daniel Androvski qui voit dans les recherches d’Aurélie Dubois une volonté de « garder », c’est à dire veiller à des thématiques récurrentes dont elle fait son corpus. Réprouvés, animaux, transgenres, sexe, folie, pulsions ou encore corps malmenés ou transformés sont autant de sujets qui rejoignent la garde de l’artiste. Ce travail fait le constat d’une « météo des pulsions humaines » et en cela fait de l’artiste une résistante aux idées reçues, aux Normes sociétales avec un grand « Haine ». 

 

Par sa démarche de garde artistique, Aurélie Dubois démonte les systèmes conventionnels ancrés profondément dans notre inconscient et notre société. Le mensonge est dévoilé, les masques tombent. Les vices et pulsions cachés, enfouis, craints, reniés ou tabous sont révélés au grand jour et le face à face entre le regardeur et l’œuvre ne laisse aucune place à la dissimulation de l’émotion ressentie à sa découverte. 

 

Car par sa démarche d’artiste de garde, Aurélie Dubois entend « relancer puissamment notre imaginaire » selon les termes de l’historien de l’art et critique Paul Ardenne. Aveuglés que nous sommes par la vacuité de notre réflexion, perdus par la médiocrité d’une réalité quotidienne trop souvent envahissante au détriment de nos propres désirs et espoirs, Aurélie Dubois est telle une combattante en résistance pour nous forcer à voir la réalité des choses, leur nature véritable. La révélation sera violente ou ne sera pas. L’invisible est ce qui est nié, refoulé mais présent par son absence. 

Cet invisible (ou non-vu) est au cœur de la pratique de l’artiste qui fait partie de la Subtile Collection du Musée de l’Invisible fondé par Pascal Pique. Ce musée, jusqu’à présent « invisible » dans le sens où il n’a pas encore de lieu physique, se consacre pleinement aux œuvres d’artistes et aux cultures de l’invisibles, celles que l’on ne voit pas (où que l’on ne veut pas voir) en raison de leur intérêt pour des sujets là encore tabous ou politiquement incorrects. Mais chez Aurélie Dubois, nulle provocation ou volonté délibérée de choquer le regardeur, l’artiste veut simplement lui montrer ce qu’il y a voir : la Vérité. Et celle-ci comme on le sait, est nue, sans artifice.  

 

 

« Nous pouvons considérer le corps comme une partition qui dès la naissance s’exprime par des cris; Aurélie Dubois affirme par son œuvre que ces cris s’écrivent même si ce qui se crie ne s’écrit pas. Au pire, ça se dessine » analyse Daniel Androvski. 

 

Le dessin a la part belle dans l’œuvre d’Aurélie Dubois, mais la photographie, la vidéo, l’installation occupent une place aussi importante. La vidéo Anamnèse sert de manifeste pour cette artiste de la garde artistique, la photographie est souvent prétexte à un exercice de transformation et de révélation des corps à eux-mêmes et aux regards du spectateur. La frontalité brute et sans ambages de la nudité, la transformation volontaire du corps par le tatouage, les hormones ou encore les piercings voire les crochets industriels sont autant de marqueurs nécessaires pour réveiller les consciences endormies. 

 

Dans Mes tresses s’amusent, les petites filles aux longues tresses nous font penser au conte des frères Grimm, Rapunzel. Les longs cheveux tressés paraissent ici inquiétants, voire mortifères pour qui s’en approcherait et tranchent par leur symbolique presque phallique sur l’innocence apparente des jeunes filles assoupies, confiantes dans leur solitude et leur nudité. La petite fille qui regarde son sexe n’a que de courtes nattes tandis que la chevelure des pubères envahit la composition et sont autant d’adresses séductrices au spectateur. Car le sexe et la révélation des désirs et pulsions, par le biais des images qu’Aurélie Dubois nous rapportent, révélées frontalement au spectateur ne le laissent pas impavide. Ces images, en s’immisçant dans son cerveau et son inconscient le contaminent presque. Acceptera t-il de se laisser envahir par elles ? Quitte à ce qu’elles interpellent ses désirs les plus enfouis ? 

Là, est la garde d’Aurélie Dubois. Être à l’affut de nos moindres peurs, de nos moindres désirs. Voilà tout l’engagement résistant de l’artiste. 

 

 

Clotilde Scordia 

Historienne de l'Art Moderne Turque, Journaliste -Ecrivain, Commissaire d'exposition

Paris 2018

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